barre de menus

Terre de messicoles

Elles sont appelées « fleurs des champs » par les poètes, adventices des cultures par les agronomes ou encore messicoles par les botanistes, ce sont les  « plantes annuelles à germination préférentiellement hivernales habitant dans les moissons ».
Accompagnatrice des cultures de céréales d’hiver pendant des millénaires, cette flore particulière est riche, variée et menacée de disparition par l’évolution des pratiques agricoles modernes.
On considère comme messicoles les plantes des moissons « archéophytes », c'est à dire introduites avant la découverte du Nouveau Monde, donc avant 1500 ans après Jésus-Christ.

Galerie photos 

Un voyage au long cours

Papaver rhoeas
Les messicoles sont arrivées très progressivement en Europe (et par extension en Asie) lors du développement de l'agriculture, soit dès les premières sélections et mises en culture par les hommes du Néolithique. Ainsi, des graines de messicoles ont été trouvées lors de diverses fouilles archéologiques de camps néolithiques avec les graines de céréales. Parmi les plantes fondatrices de cette agriculture figurent plusieurs céréales : l'orge, les blés, et plus tard le seigle et l'avoine.
Elles ont pour origine le Croissant Fertile, région proche-orientale comprise entre les vallées du Jourdain, du Tigre et de l'Euphrate et Sud de la Turquie. Cette région est particulièrement aride, mais fertile par les fleuves qui l'arrosent.
Ce sont des terres chaudes et maigres qui constituent des biotopes dénués de concurrence (aridité, chaleur, sols dénudés, pierreux, arides...) et favorables aux espèces annuelles à germination automnale.
Les messicoles ont suivi plusieurs voies de « migration », en suivant le développement de l'agriculture à partir du Croissant fertile : méditerranéen, ibérique et danubien. Certaines espèces sont également d'anciennes plantes cultivées (exemple de la Vaccaire d'Espagne - Vaccaria hispanica).
Enfin, dans les régions non méditerranéennes, certaines messicoles sont tout simplement des espèces méditerranéennes ayant migré au nord avec les cultures.

Des adaptations biologiques nécessaires

Trois composantes principales gourmandes en énergie déterminent la persistance d'une espèce dans un milieu donné : Les espèces, pour se maintenir dans un milieu doivent résister à des stress (hydriques, thermiques, nutritionnels...), à la compétition intra- et inter-spécifique, et aux perturbations du milieu (destructions plus ou moins partielles).
Consolida regalis
Afin de se maintenir et de prospérer dans les cultures, les messicoles ont adopté un développement très proche de celui des céréales : une germination automnale, une floraison printanière et une fructification en début d'été. La taille des graines (se rapprochant de celle des céréales), leur capacité de germination très variable, leur robustesse,  leur ont permis de se maintenir aux côtés des céréales. A plus de 80%, ce sont des espèces annuelles à forte fécondité.
Certaines espèces géophytes2 sont cependant considérées comme messicoles : c'est le cas de la Gagée velue (Gagea villosa) ou du Glaïeul des moissons (Gladiolus italicus). Ces espèces doivent être résistantes au travail du sol. Elle se multiplient essentiellement par bouturage ou par la production de bulbilles (ail sauvage). Ces espèces sont de plus en plus rares et menacées de disparition.

Les espèces annuelles ont pour stratégie de reproduction de produire de nombreuses graines très fertiles, à grande longévité, et dont la dormance est tout à la fois intense et hétérogène. L'espèce peut se maintenir malgré sa destruction sur une ou plusieurs années, toutes les graines ne germant pas ensembles.

Les indésirables
 
De tous temps, le cultivateur a chercher à éliminer les compagnes des cultures, ceci pour différentes raisons, mais avec pour principal objectif d'augmenter les rendements et de favoriser l'espèce cultivée.
En effet, la présence des ces « mauvaises herbes » a une influence directe sur les espèces cultivées :
  • Concurrence avec les espèces cultivées,
  • Antagonismes : émissions  de substances chimiques toxiques ou inhibitrices de leur développement,
  • Compétition pour l'eau, les nutriments, les engrais, l'air, la lumière...,
  • Développement de maladies, ou de parasites polyphages,
  • Augmentation du taux d'humidité du grain,
  • Intoxication de certaines récoltes.
  • L'élimination est donc logique, mais pas toujours systématique. Ainsi, dans certains régions, notamment méditerranéennes ou africaines, les messicoles ne sont pas éliminées de manière drastiques. Cela est lié à des pratiques culturelles ou agricoles particulières : le pâturage des chaumes après moissons (parcours agropastoraux), la récolte de plantes médicinales ou alimentaires...
  • Cette élimination prend différentes formes :
  • Le tri des graines de semences agricoles, de plus en plus perfectionné ;
  • Utilisation de moyens mécaniques, travail du sol ;
  • Compétition avec les espèces cultivées ;
  • Amendements et techniques culturales : type d'assolement, jachères... ;
  • Utilisation d'herbicides ciblés ;
  • Déprise agricole, remembrement et calibrage ;
  • La non protection des espèces protégées dans les parcelles agricoles.

Une terre de messicoles

Champs après moissons
Les messicoles sont des espèces aujourd'hui relictuelles qui marquent de leur présence des pratiques anciennes. L'existence, au XVII-XVIIIème siècles, de cultures associées à des jachères utilisées pour le pacage des ovins dans l'Auxois ont très probablement favorisé les messicoles. Leur dissémination était assurée par le déplacement des moutons. Les conditions de milieu étaient également très favorables avec le système d'assolement pratiqué, offrant, par le biais des jachères, de grands espaces de terres plus ou moins dénudées. Enfin, les cultures ne subissaient pas les traitements phytosanitaires actuels, et de ce fait, les espèces compagnes des moissons étaient plus difficilement éliminées par le travail manuel et le tri relativement grossier des semences.
La longévité des semences et les pratiques agricoles actuelles, relativement extensives dans cette région, ont probablement permis le maintien d'une certaine biodiversité au niveau des plateaux cultivés de l'Auxois.

Mais pourquoi les préserver ?

Tout d'abord, parce qu'elles font partie de l'histoire du développement de l'agriculture et représentent un patrimoine à la fois culturel, social et biologique (différenciation de formes, espèces et sous-espèces). On notera la présence de ces plantes des moissons évoquées dans la littérature ou dans les peintures des impressionnistes par exemple.
Certaines espèces peuvent servir à l'alimentation humaine comme les coquelicots (Papaver sp.) et les mâches (Valerianella sp.)  ou encore à l'alimentation animale. Elle peuvent également être en partie utilisées en médecine populaire (capitules de bleuets contre les ophtalmies).
Aujourd'hui, les institutions et les botanistes ont pris conscience à la fois de la fragilité relative de ces espèces et de la nécessité de mieux les connaître pour les préserver.
Plusieurs programmes d'action sont mis en œuvre  dans différentes régions pour favoriser leur conservation en mettant en place des inventaires, des partenariats avec les exploitants agricoles, des suivis scientifiques...
Il est possible de mettre en place, dans certaines régions, des pratiques agricoles favorables au maintien des plantes messicoles (rotations de cultures courtes, usage des semences fermières provenant de l'exploitation, pâturage sur les chaumes par les troupeaux d'ovins, des engrais azotés et de fond absentes ou peu dosés, des labours non tardifs, des semis précoces de faible densité, des jachères...


Alors voici quelques petits tuyaux...

  1. Secteurs de pratiques agricoles extensives
  2. Cultures céréalières à semis hivernaux
  3. Une limitation de l'emploi des herbicides
  4. sols calcaires, chauds, secs (et mieux : des moutons pas très loin)
Les zones en France où les messicoles sont encore bien représentées : Lubéron, grands Causses (Lozère, Aveyron), la Cerdagne, la Limagne, et quelques îlots dans le Gard, la Côte d'Or, les Charentes.
En Bourgogne, nous recommanderons vivement de visiter les plateaux de l'Auxois ou les zones agricoles de l'arrière-côte particulièrement riche en compagnes des moissons ...


Ceci n'est qu'un résumé (très) succinct de ce qui a été présenté conjointement à la Maison de la Nature et du Paysage de Côte d'Or et à la Société d'Horticulture de Côte d'Or. Il n'est ainsi pas possible de retranscrire l'intégralité des propos ni de traduire la projections des deux diaporamas numériques présentés au cours de la conférence, ni les monographies des espèces présentées.

Galerie photo → cliquer ici

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Un petit mot ... ça fait plaisir !